Au Togo, les populations puisent dans leur environnement non seulement pour leur subsistance mais également pour leur sécurité alimentaire et hydrique. Cependant, de nombreuses espèces végétales et animales dont elles dépendent ont disparu en raison d’une croissance démographique rapide et de l’exploitation non durable des ressources.
Afin de soulager la pression humaine sur la forêt, le programme sur l’Homme et la biosphère de l’UNESCO a mis en œuvre un projet sur trois ans en collaboration avec le ministère togolais de l’Environnement et des ressources forestières, ainsi que des organisations non gouvernementales locales et des communautés rurales.
Lors de la première phase, l’UNESCO a entrepris une série d’études et d’enquêtes pour déterminer l’état de la biodiversité et identifier les opportunités de marché.
Selon Enang Moma, du Bureau de l’UNESCO à Abuja au Nigéria, « celles-ci comprenaient un exercice de cartographie des parties prenantes, des consultations avec la communauté locale, une évaluation des besoins, une étude socio-économique, un inventaire de la biodiversité dans le parc national de Fazao-Malfakassa et, enfin, une étude de marché et des analyses de produits ».
L’étude socio-économique a révélé que les habitants étaient principalement des agriculteurs, des chasseurs et des cueilleurs de produits forestiers. Les agriculteurs cultivaient des cultures telles que le maïs, l’igname, le soja, le niébé et les graines de sésame. Certains récoltaient également du miel et du beurre de karité à partir des amandes d’un arbre (Vitelleria paradoxa), mais ces produits leur rapportaient moins de 2 dollars par jour.
Trois industries artisanales vertes phares
Le personnel de l’UNESCO a présenté les résultats des différentes études aux communautés locales, maires, chefs traditionnels, gestionnaires de parcs et au ministère de l’Environnement. Toutes les parties ont ensuite convenu de développer trois moyens de subsistance « verts » pour augmenter les revenus des communautés, à savoir l’apiculture, la valorisation des noix de karité et l’élevage de ruminants.
Pour développer ces trois moyens de subsistance, l’UNESCO a organisé plus de 620 ménages en 28 coopératives. Près de 45% de ces ménages étaient dirigés par des femmes.
Des hommes, des femmes et des jeunes ont été formés à la gestion d’entreprise et aux processus connexes, à l’emballage et à la comptabilité, ainsi qu’à l’entretien et à la manutention des équipements. En parallèle, ils ont appris la gestion de l’environnement et la conservation de la biodiversité.
Les communautés participantes ont reçu des équipements modernes leur permettant de produire du miel et de la cire de qualité supérieure et en plus grande quantité. À mesure que la productivité augmentait, les revenus tirés de la vente de cire et de miel augmentaient également. Cela a permis aux familles d’acheter de la nourriture et des motos, de s’offrir de nouveaux vêtements et de financer la scolarisation de leurs enfants.
Profiter de la peur qu’ont les éléphants des abeilles
Les éléphants ont une peur profonde des abeilles et ils préfèrent rester à bonne distance lorsque des ruches sont placées tous les 20 m environ le long de tout couloir migratoire qu’ils empruntent.
Étant donné que les troupeaux d’éléphants traversent régulièrement le parc national de Fazao-Malfakassa au Togo, l’apiculture a été l’un des trois moyens de subsistance que l’UNESCO a développé avec les communautés rurales entre juin 2019 et août 2022 pour compléter leurs revenus tout en protégeant la biodiversité locale.
L’apiculture pourrait ainsi éviter aux cultures d’être piétinées par des troupeaux d’éléphants et aux villageois d’entrer en conflit avec les pachydermes.
Les multiples vertus du beurre de karité
Les femmes locales ont appris à récolter des noix de karité sauvages (Vitellaria paradoxa), à les décortiquer et à faire bouillir les amandes avec de l’eau, puis à récupérer le beurre lorsqu’il durcirait. Selon la présidente de la coopérative du village de Fazao, Mme Afissa Ibrahim, « ce processus nous a permis de vendre nos amandes à un prix plus élevé que les années précédentes ». Les femmes ont également appris que ce beurre végétal gras avait des propriétés médicinales et pouvait être utilisé comme onguent et hydratant pour la peau, offrant de nouvelles perspectives commerciales.
La récupération des amandes de karité a réduit l’abattage de ces arbres pour la production de charbon de bois dans la zone. Les femmes qui ramassent les amandes ont entrepris une campagne de sensibilisation au sein de la communauté sur la nécessité de protéger l’arbre à karité, maintenant qu’elles connaissent sa valeur.
Pour Mme Bèzéwapéyélé Ali, « l’UNESCO nous a apporté un grand soulagement en nous apprenant comment créer de la richesse à partir de nos ressources forestières sans les détruire. Avant, nous gagnions très peu de nos produits agricoles car nous ne savions pas comment les transformer. Avec le projet de l’UNESCO, la plupart d’entre nous, les femmes et les jeunes, ont appris à gérer des moyens de subsistance durables et nous avons maintenant un meilleur revenu pour subvenir à nos besoins ».
Des braconniers reconvertis
En même temps, la promotion de l’élevage ovin et caprin a converti les braconniers en éleveurs de ruminants. L’élevage d’animaux domestiques a permis aux populations fauniques locales de se rétablir. Ceci, à son tour, a facilité le repérage des animaux sauvages, offrant ainsi la perspective de développer une activité touristique reposant sur l’observation des animaux.
En parallèle, des fosses fumières ont été construites pour produire du compost. Cet engrais naturel a stimulé la productivité agricole et rendu les exploitations plus durables. Dans le même temps, l’augmentation du nombre de têtes de bétail a permis d’ajouter des protéines animales au régime alimentaire de la population et de générer davantage de revenus.
Une future réserve de biosphère ?
Le projet a été conçu et mis en œuvre par l’UNESCO grâce à un financement de 970.396 dollars du Fonds de partenariat pour le développement entre l’Inde et les Nations Unies obtenu par l’intermédiaire du Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud.
Il s’inscrit à la fois dans les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 et dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, dans la mesure où il contribue à la gestion durable des ressources naturelles, à la conservation de la biodiversité et à la préservation de la paix.
Depuis que le projet est terminé, les communautés locales travaillent avec le gouvernement et les scientifiques togolais pour préparer leur candidature pour que le parc national de Fazao-Malfabassa soit désigné Réserve de biosphère par l’UNESCO, afin d’ancrer la conservation de la biodiversité et l’économie verte dans le plan communautaire de développement à long terme.
UN
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