BP, RWE, Unilever… 30 gros groupes carbo-intensifs sont visés par l’ONG Milieudefensie. Cette dernière, qui a réussi, pour la première fois au monde, a contraindre une multinationale à rehausser ses ambitions climatiques en passant par la voie judiciaire, compte bien continuer sur sa lancée. Elle laisse un sursis de trois mois à ces 30 nouvelles entreprises avant d’enclencher les poursuites. Leur avocat, Robert Cox, prévoit une avalanche de litiges.
“Vous recevez cette lettre parce que vous dirigez une entreprise qui exerce un contrôle et une influence sur une quantité importante d’émissions de CO2”. Voici comment débute la lettre de l’ONG Milieudefensie, la branche des Amis de la Terre aux Pays-Bas, envoyée à plus de “30 grands pollueurs” le 13 janvier. L’ONG appelle notamment l’énergéticien RWE, le pétrolier BP, le géant de l’agroalimentaire Univeler ou encore la compagnie aérienne KLM, à présenter un plan climatique concret et réalisable dans les trois prochains mois. Ce dernier doit détailler comment ces entreprises carbo-intensives comptent réduire leurs émissions de CO2 d’au moins 45 % d’ici 2030.
“Maintenant que les tribunaux obligent Shell à prendre ses responsabilités dans la résolution de la crise climatique, il est clair que d’autres grands émetteurs devront également prendre des mesures rapides pour passer au vert”, a expliqué le directeur de Milieudefensie, Donald Pols. La condamnation de Shell aux Pays-Bas a en effet créé une étincelle. En mai dernier, le pétrolier a été condamné par un tribunal néerlandais à rehausser ses ambitions climatiques. Une décision historique puisque, jusqu’ici, seuls des pays avaient été condamnés pour leur manque d’ambition climatique.
Une déferlante de litiges
Interrogé par Novethic, Robert Cox, l’avocat qui a fait tomber Shell, prévoit même une avalanche de litiges climatiques à court-terme. “Nous sommes en train de développer de nouvelles affaires liées au climat. Elles seront probablement annoncées dans les prochains mois”, prévient-il. Comme le montre la diversité des 30 entreprises ciblées par Milieudefensie, “ce sont surtout les grands émetteurs de CO2, quel que soit leur secteur d’activité, qui vont devoir faire face à une multiplication des actions en justice. Il en va de même pour les plus grands investisseurs et bailleurs de fonds de ce type d’entreprises”, précise Robert Cox.
Si la condamnation de Shell, qui a fait appel, a accéléré le mouvement, depuis quelques années déjà, les litiges climatiques connaissent une recrudescence. Dans son troisième rapport dédié au sujet, la London School of Economics (LSE) évalue que depuis 2015, le nombre d’affaires liées au changement climatique a plus que doublé. “Un peu plus de 800 affaires ont été déposées entre 1986 et 2014, tandis que plus de 1 000 affaires ont été déposées au cours des six dernières années”, note la LSE en collaboration avec le Grantham Institute on Climate Change.
La pression s’intensifie sur les entreprises. En mai dernier, l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement estimait que “les contentieux contre les entreprises sont encore plus puissants que ceux visant les États. Pour elles, la réaction est immédiate. Elles doivent faire face à une baisse des cours en Bourse, à la méfiance des investisseurs, au risque juridique… La pression est plus forte et plus rapide”. En France, plusieurs entreprises sont poursuivies comme Casino pour son rôle dans la déforestation ou encore Total sur sa politique climatique. Les avocats Sébastien Mabile et François de Cambiaie, qui représentent un collectif d’associations et de collectivités dont Notre affaire à Tous, s’appuient sur le devoir de vigilance du pétrolier pour qu’il réhausse des ambitions climatiques. Un litige assez similaire à celui de Shell.
NVTC