Une dizaine de véhicules stationnés sur la chaussée, les trottoirs squattés par des vendeurs à la sauvette, armés de haut-parleurs portatifs pour attirer les clients, la fumée des gargotes et des pots d’échappement rompent l’acuité visuelle, et font suffoquer plus d’un, les pièces de moteurs et de carrosseries jonchent le sol, trainant l’huile qui entache l’asphalte, les voitures sur le départ lancent des coups de klaxons pour se frayer un chemin, symbolisent la saturation de la voie. Nous sommes à l’entrée de la gare routière de Petersen. L’établissement recevant du public est en plein centre-ville et sert de Parking aux Bus « TATA » de l’Association pour le financement du Transport Urbain (AFTU), qui desservent Dakar et sa périphérie.
Il est 15 heures dans les allées de la rue du Plateau. A l’intérieur, les articles dans les cantines témoignent de la diversité des activités à Petersen. Elle est la plus grande gare routière de la ville, avec un flux estimé à plus de 50 000 personnes par jour. Ce cocktail produit des embouteillages montres, un smog urbain manifeste, et une pollution de l’air constante. Cette situation a poussé l’Etat à lancer les travaux d’un nouveau système de transport durable, sobre en carbone, améliorant dans le même ordre la qualité de vie des Sénégalais. Mais les acteurs de la mobilité urbaine tardent à adhérer à ce nouveau projet.
Pour certains, les innovations annoncées ne sont que des mirages. C’est le cas d’Oumar Kane. Casquette sur la tête, stylo serré au-dessus de l’oreille gauche, arborant un capuchon gris ample détaché, pantalon jean bleu, il organise les rangs des passagers de la ligne Dakar–Guédiawaye. Le trentenaire qui toute la semaine, commence sa journée de travail à 6 heures du matin et la termine à 21 heures, n’est pas convaincu par le BRT. «Pour ce qui est du projet BRT, j’ai vu sa présentation à la télé, mais les embouteillages vont s’accentuer, car le travail de terrain n’a pas était fait au préalable. Les autorités ne sont pas au courant des difficultés que vivent les chauffeurs, receveurs et contrôleurs. Avant 2012, il était question de diversifier les moyens de transport urbain avec les bateaux taxis, qui allaient véritablement soulager les routes, mais vous pouvez le constater par vous-même le flux est insoutenable, les infrastructures ne répondent pas, et les problèmes de circulation se cristallisent», estime Oumar Kane. Il est acteur du secteur depuis près deux décennies.
En partance pour Guédiawaye, Mouhamed Mbodj, sexagénaire se plie à la règle en suivant les rangs comme tout monde. Avec son Boubou beige et ses sachets remplis à la main, il nous confie son calvaire quotidien : « Cette situation est indescriptible, il nous arrive de rester des heures sur cette position à attendre des bus ». Parlant du BRT, il soutient : «Si la demande est satisfaite avec une incidence positive dans l’économie de temps nous sommes preneurs. Mais si c’est pour reproduire les mêmes schémas ce n’est pas la peine».
La sentence reste la même chez Baye Fall, conducteur de bus. Trouvé en train de trier plusieurs billets de banque, il n’appréhende pas encore le BRT : « Les autorités ne nous ont pas impliqués. D’ailleurs nos responsables ne nous ont jamais parlé directement de ce projet.»
Revenant sur les effets des nuisances relatives au manque de confort, au rythme de conduite et la pollution, il dresse un tableau pollué. : «Tous les chauffeurs y compris moi trainons des maladies. Je passe des heures sur ma cabine sans bouger, de 4 h du matin à 22 h je n’ai pas de répit. Certains font le trajet Dakar-Guédiawaye 4 ou 5 fois par jour. Et figurez-vous rien que pour l’aller vous pouvez faire 1 heure voire plus. » Avant d’ajouter que : « l’Etat ne doit pas uniquement penser aux clients, nous aussi nous avons des exigences sociales et sanitaires. La plupart de nos moteurs ne sont pas en bon état, Forcement nous sommes exposés aux rejets des pots d’échappement. »
Pape Mbor Ndiaye
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