La lutte contre la déforestation illégale prend forme dans les rayons des supermarchés. Sous la pression d’ONG et de journalistes, plusieurs enseignes de grande distribution vont stopper la vente de produits issus de trois géants brésiliens de la viande. Les industriels sont accusés d’organiser un système dit de “blanchiment de bétail”, conçu pour masquer des conditions d’élevages litigieuses.
“C’est Noël avant l’heure pour les forêts d’Amazonie, les savanes du Cerrado brésilien et les zones humides du Pantanal“, se réjouit Nico Muzi, directeur de l’ONG Mighty Earth Europe. Le militant a de quoi exulter car son association a contribué à obtenir une victoire importante contre la déforestation illégale. De grandes chaînes de distribution européennes ont accepté de boycotter des produits de trois géants brésiliens de la viande : JBS, Marfrig et Minerva. Ils sont accusés de participer à la déforestation illégale du pays.
Ces décisions sont directement liées aux révélations du collectif de journalistes Reporter Brasil, obtenues en partenariat avec l’ONG Mighty Earth. L’enquête accablante pour les industriels met en lumière tout un système dit de ”blanchiment de bétail” qui vise à tromper sur l’origine des bœufs. En clair, officiellement, la viande de ces industriels provient d’abattoirs éloignés des zones de déforestations illégales. Mais dans les faits, les animaux sont transportés sur de longues distances pour être abattus à des milliers de kilomètres de leur élevage d’origine, qui sont potentiellement des producteurs sanctionnées et frappées d’embargo. D’autres animaux traversent aussi le pays mais cette fois pour être vendus à d’autres exploitations, qui procèdent à l’engraissement final des animaux avant d’être cédé aux industries exportatrices. L’enquête décrit un système impliquant des “fournisseurs indirects” où “même la viande vendue par des abattoirs éloignés des principales frontières agricoles peut être liée à des crimes socio-environnementaux non seulement en Amazonie, mais également dans le Pantanal et le Cerrado brésiliens“, écrivent les journalistes.
En toute opacité sur ces pratiques, cette viande se retrouve ensuite dans les supermarchés européens, sous la forme de bœuf séché, de corned-beef ou de viande fraîche. Ces révélations ont incité des distributeurs à prendre les devants. “Il ne s’agit pas de vagues engagements ou de déclarations pour faire bonne impression dans un communiqué de presse. Ce sont des mesures commerciales concrètes prises par certains des plus grands supermarchés d’Europe pour cesser d’acheter et de vendre de la viande de bœuf provenant d’une entreprise et d’un pays qui ont beaucoup promis et qui ont obtenu si peu de résultats“, indique l’ONG Mighty Earth.
“L’étau se resserre sur les destructeurs de forêts“
Selon l’association, Auchan en France s’est engagé à retirer des rayons de ses magasins les produits de bœuf séché liés à JBS tout comme Carrefour Belgique. Plus globalement, le groupe Carrefour affirme vouloir renforcer sa surveillance dans tous les pays où il opère. La chaîne de supermarchés belge Delhaize bannit Jack Link’s de ses rayons. Albert Heijn, une des plus grandes chaînes de supermarchés aux Pays-Bas, ne s’approvisionnera plus en bœuf brésilien tout comme Lidl Pays-Bas qui ne vendra plus non plus de viande de bœuf d’origine sud-américaine à partir de janvier 2022.
“Ces mesures commerciales, ainsi que la nouvelle législation européenne destinée à lutter contre la déforestation importée, montrent que l’étau se resserre sur les destructeurs de forêts“, estime Nico Muzi. La Commission européenne a en effet récemment proposé de nouvelles règles visant à interdire l’importation de produits issus de la déforestation avec la mise en place d’un système de traçabilité. Cette mesure vise à freiner ce fléau alors que, entre 1990 et 2020, le monde a perdu 420 millions d’hectares de forêts, une superficie plus vaste que celle de l’Union européenne.
Les groupes brésiliens incriminés rejettent toutefois les accusations. JBS, numéro un mondial de la viande, a assuré dans un communiqué qu’il pratiquait une politique de tolérance zéro “pour la déforestation illégale”. Marfrig a pour sa part affirmé “être engagé dans le combat de la déforestation illégale depuis 2009 (…), suivant un protocole strict” que ses fournisseurs sont tenus de suivre.