En Tanzanie, des massaï ont commencé à être expulsés de leurs terres ancestrales pour faire place à des réserves privées destinées à la chasse et aux safaris.
De premières familles de Massaï ont quitté jeudi la réserve naturelle de Ngorongoro, dans le cadre d’un programme de relocalisation volontaire lancé par le gouvernement tanzanien mais qualifié d'”expulsions” par des militants des droits de l’homme.
Les Massaï vivent depuis plus d’un siècle dans le cratère de Ngorongoro, site classé au patrimoine mondial de l’Unesco situé dans le nord de la Tanzanie.
⋙ En Tanzanie, les Massaïs menacés d’expulsion de la réserve de Ngorongoro
Mais les autorités estiment que leur population croissante est devenue une menace pour la faune sauvage et ont lancé un programme de relocalisation volontaire.
Une vingtaine de familles ont quitté les lieux jeudi, sur les 296 qui ont accepté d’aller vivre dans la région de Handeni, à 600 kilomètres au sud, a affirmé le préfet de la région d’Arusha, John Mongella.
“Il n’y a pas d’expulsion ici, toutes les personnes qui partent se sont inscrites volontairement et le gouvernement les aide”, a-t-il insisté.
Ce programme divise les Massaï, dont beaucoup ont toujours vécu là, et suscite l’opposition de militants de protection des droits de l’homme.
“Cette expulsion n’a jamais été volontaire pour les habitants de Ngorongoro”, a déclaré à l’AFP Joseph Oleshangay, avocat et militant des droits de l’homme.
La Tanzanie permet aux communautés autochtones, telles que les Massaï, de vivre dans certains parcs nationaux.
Depuis 1959, la population vivant à Ngorongoro est passée de 8.000 à plus de 100.000, tandis que le cheptel de bétail est, lui, passé d’environ 260.000 têtes en 2017 à plus d’un million aujourd’hui.
Les Massaï et leurs troupeaux se retrouvent en concurrence avec la faune sauvage et “Ngorongoro est en train de se perdre”, a déclaré l’an dernier la présidente Samia Suluhu Hassan.
Massaïs : des départs “sans consentement”
Depuis plusieurs années, les Massaï accusent les autorités tanzaniennes de vouloir les expulser de leurs zones d’habitat historique pour les transformer en zones de safaris ou de chasses privées, ce que le gouvernement dément.
Le week-end dernier, des heurts ont opposé à Loliondo, à 125 kilomètres au nord de Ngorongoro, des policiers et des Massaï qui s’opposaient à la pose de “balises” séparant zones d’habitat humain et d’animaux sauvages.
Le gouvernement affirme vouloir protéger de toute activité humaine 1.500 km2 sur les 4.000 km2 de cette zone proche du parc du Serengeti.
Un policier a été tué dans ces incidents selon les autorités et des experts de l’ONU. Ces derniers ont également fait état de 30 blessés après des tirs à balles réelles des forces de sécurité.
Vendredi, le Premier ministre Kassim Majaliwa a assuré devant le Parlement qu'”aucune expulsion n’est prévue à Loliondo”.
Dans un communiqué mercredi, les experts de l’ONU se sont toutefois dits “préoccupés par les projets de la Tanzanie visant à déplacer près de 150.000 Massaï de la réserve naturelle de Ngorongoro et de Loliondo sans leur consentement libre, préalable et éclairé”.
“Cela (…) pourrait s’apparenter à une dépossession, une expulsion forcée et un déplacement arbitraire interdits par le droit international”, ont-ils averti.
Amnesty International a qualifié l’opération à Loliondo d'”expulsion forcée illégale”, “choquante à la fois par son ampleur et sa brutalité”.
“Les autorités doivent arrêter l’opération de démarcation et de sécurisation en cours à Loliondo et entamer de véritables consultations avec la communauté”, a estimé l’ONG dans un communiqué.
En visite à Loliondo mercredi, le ministre des Affaires intérieures, Hamad Masauni, a ordonné à la police de procéder à “une vérification et une enquête sur toutes les ONG opérant” sur place, estimant que “leurs opérations ne doivent en aucune façon perturber la sécurité nationale”.
“Le gouvernement prendra des mesures fortes contre toutes les ONG qui violent les règles”, a-t-il ajouté.
En 2009, des milliers de familles massaï ont été déplacées de Loliondo pour permettre à une société de safari émiratie, Ortelo Business Corporation, d’y organiser des expéditions de chasse.
Le gouvernement a annulé cet accord en 2017, après des accusations de corruption.
AFP
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