“Nous ne sommes plus des victimes, mais la solution” ! Longtemps décrits uniquement comme des communautés assiégées par les impacts des dérèglements climatiques, les peuples autochtones espèrent désormais que leurs savoirs ancestraux seront reconnus comme un atout pour les combattre.
Le rapport des experts climat de l’ONU (Giec) sur les impacts et l’adaptation au réchauffement de la planète publié lundi leur apporte à cet égard de nouveaux arguments.Certes, de nombreux peuples autochtones, comme ceux de l’Arctique menacés par la fonte de la banquise, sont en première ligne face aux impacts du réchauffement. Une réalité soulignée par le rapport du Giec, qui pointe du doigt une des sources de leur vulnérabilité: le “colonialisme”.”C’est une grande avancée de reconnaître l’impact du colonialisme, à la fois historique et actuel” sur ces peuples victimes de “racisme et de marginalisation”, indique à l’AFP une des auteurs du rapport, Sherilee Harper, notant une évolution de leur place dans les travaux du Giec. Avant “il y a avait une tendance à les peindre comme des victimes du changement climatique qui ne peuvent rien y faire”, alors que “ce n’est pas vrai”, souligne-t-elle.Le rapport insiste sur ce que ces communautés et leurs connaissances intimes de la nature, transmises de génération en génération, peuvent apporter à la lutte contre le changement climatique, en particulier pour limiter ses impacts. D’autant que les terres ancestrales de ces peuples qui représentent environn 500 millions de personnes à travers le monde, accueillent 80% de la biodiversité mondiale, note le Giec.
De l’Amazonie à la Sibérie, ces communautés font face à des “défis d’adaptation depuis des siècles et ont développé des stratégies de résilience aux changements environnementaux qui peuvent enrichir et renforcer les efforts d’adaptation”.”Face aux catastrophes climatiques, économiques et sanitaires, la réalité force à reconnaître les savoirs des peuples autochtones et une nouvelle relation de respect”, se félicite Gregorio Mirabal, chef de la Coordination des organisations autochtones du bassin de l’Amazone (Coica). “Désormais, nous ne sommes plus des victimes, nous sommes la solution!”, lance le Vénézuélien à l’AFP.”Mais cela doit aller au-delà d’un simple paragraphe, cela doit être accompagné par des propositions détaillées pour que les solutions soient mises en place”, poursuit-il.
L’importance de l'”autodétermination” et de la “reconnaissance des droits”
“Nous, peuples autochtones, n’avons plus besoin d’une introduction, d’études ou de conférences” mais de véritables “stratégies”, renchérit Rodion Sulyandziga, coprésident du Forum international des peuples autochtones sur le changement climatique.”Nous devons allier nos efforts (…). Mettre sur la table à la fois savoirs autochtones et la technologie”, poursuit-il. Mais cela passe aussi par redonner à ces peuples le droit sur leurs territoires ancestraux, insiste le représentant des Ugede, “peuple de la forêt” boréale de Sibérie. “Sans nos terres, nous ne pouvons nous adapter”. Les scientifiques du Giec soulignent d’ailleurs l’importance de l'”autodétermination” et de la “reconnaissance des droits” de ces peuples pour l’adaptation aux impacts du réchauffement. Chapitre après chapitre, région après région, les milliers de pages du rapport donnent de multiples exemples de pratiques d’adaptation qui pourraient servir d’inspiration.Par exemple, dans plusieurs régions du monde, des peuples autochtones combattent le feu par le feu, brûlant certaines parcelles à des périodes précises de l’année pour éviter les incendies hors de contrôle plus tard.Les experts du Giec évoquent également l’attention portée à la diversification des cultures, comme le système agro-forestier des Kichwas d’Equateur qui font pousser sous la protection de la forêt amazonienne cultures alimentaires et plantes médicinales.
Ou encore l’identification par le savoir traditionnel, aux îles Fidji, d’espèces endémiques dont la plantation permet de limiter l’érosion côtière.”Nous faisons partie de la nature et nous savons depuis des milliers d’années quand il y a un équilibre ou un déséquilibre, et nous savons identifier quand nous atteignons les limites”, insiste Gregorio Mirabal.”Nous pouvons tous en bénéficier, apprendre des systèmes basés sur le savoir autochtone”, plaide Sherilee Harper, appelant à “abandonner l’arrogance occidentale”. Toutefois, peuple autochtone ou pas, l’adaptation a ses limites et certaines communautés devront être relocalisées, entraînant la perte d’un héritage culturel ancestral arrimé à la terre et à la banquise. Comme les Inuits que connaît bien Ashlee Cunsolo, autre auteure du rapport. “Ils entraient enfin dans une période d’autodétermination, de reconquête de leur terre et de leur culture. Puis le changement climatique est arrivé”…
G&o
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