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Les 100 milliards de la finance climat : dans l’ombre des États, les acteurs financiers privés peu mobilisés

Les 100 milliards de la finance climat : dans l’ombre des États, les acteurs financiers privés peu mobilisés

La COP26 s’est ouverte sur un constat d’échec pour la finance climat : l’objectif de 100 milliards de dollars de financements apportés par an aux pays en développement n’est toujours pas rempli. Derrière les choix politiques des États, l’appétit limité des acteurs financiers privés contribue aussi au lent progrès de ces investissements indispensables pour la lutte contre le changement climatique.

Où sont les 100 milliards de dollars ? Une question qui agite la sphère de la finance climat depuis une décennie et nourrit des discussions acrimonieuses à chaque COP. Le manque d’engagement des États est régulièrement pointé du doigt par les ONG et les pays récipiendaires. En parallèle, la stagnation du modèle de la finance mixte (ou blended finance), qui doit permettre d’impliquer dans l’effort banques et investisseurs institutionnels, est de plus en plus visible et sa montée en régime bute sur des contraintes structurelles. 

Un rapport commandé par la présidence de la COP26 a acté que l’objectif fixé à la COP15 de Copenhague, prévoyant 100 milliards de dollars de financements pour la mitigation et l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement, ne serait pas atteint avant au mieux 2023. L’OCDE estime que les contributions s’élèveront à 88 milliards de dollars en 2021. 

En comparant les engagements pris au plan stratégique dessiné en 2016, il apparaît que le niveau des financements publics se situe sur la trajectoire prévue. À l’opposé, les financements privés sont loin du compte : ils se sont élevés en moyenne à 14 milliards de dollars par an sur la période 2017-2019, un montant stable sur la période, alors qu’ils auraient dû atteindre plus du double à la fin de la décennie. 

Une si difficile coordination

Les milliards de capitaux privés étaient pourtant bien présents à la COP26. La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) présidée par Mark Carney, a annoncé avoir atteint 450 membres pour un total de 130 000 milliards d’actifs sous gestion et être en mesure de mobiliser 100 000 milliards de dollars de financement pour la transition dans les trente ans. Une puissance de frappe impressionnante, mais qui semble encore peu disposée à se tourner vers les projets publics-privés.

L’intégration des acteurs financiers privés patine en effet à deux niveaux. Travailler avec les banques de développement déjà présentes sur le terrain est un choc “culturel”, pour des projets où concilier rentabilité et impact devient une réalité très tangible. La complexité de certains mécanismes multilatéraux décourage même les participants. Le Fonds Vert pour le Climat, créé après l’Accord de Paris, ne compte qu’une poignée de membres accrédités parmi les grandes institutions financières internationales. 

Outre leurs moyens limités par la bonne volonté politique des États, l’omniprésence des banques de développement est à double tranchant. Dans un papier de recherche publié en janvier, des chercheurs de l’OCDE soulignent que cela freine la montée en compétences d’acteurs privés locaux dans les pays récipiendaires. Ceux-ci pourraient servir de relais à leurs pairs internationaux, qui n’auront jamais les capacités et les ressources pour développer une activité sur place et ainsi s’assurer une connaissance suffisante de leur environnement d’investissement. 

Enfin, même si un alignement de planètes favorable permet à des structures de financement mixte d’émerger, elles peuvent être source de risques dans leurs opérations. La Tropical Landscape Finance Facility, initialement fondée, entre autres, par l’ONU Environnement et BNP Paribas, et dont l’objectif est de lutter contre la déforestation, a par exemple été épinglée pour avoir financé un partenaire local coupable de violations des droits humains dans le cadre d’un projet de plantations d’hévéa durables. 

 Le florilège d’annonces par les acteurs publics et privés en marge de la journée “Finance” de la COP26, mercredi 3 novembre, laisse à penser que les participants ont conscience de ces défis. L’Asian Development Bank a par exemple annoncé la création d’un fonds d’au moins 2,5 milliards de dollars pour organiser avec les gouvernements et les acteurs financiers privés la fermeture anticipée de 50 % des centrales à charbon dans trois pays d’Asie du Sud. Le projet total devrait coûter entre 40 et 60 milliards de dollars. Il y a néanmoins un monde entre mobiliser les bonnes volontés à coups de milliards et les traduire en projets à impact concret.

Par  Paul KIELWASSER