“Les décennies à venir seront non seulement plus chaudes mais plus malades”. Dans une nouvelle étude, des chercheurs affirment que le réchauffement climatique va entraîner la propagation de milliers de nouveaux virus entre espèces d’ici 2070 et créer ainsi des pandémies. L’Afrique et l’Asie sont particulièrement concernées mais à mesure que la planète se réchauffe, les zones à risque se multiplient, notamment en Europe.
C’est une étude pour le moins alarmante qui vient d’être publiée dans la prestigieuse revue Nature. Des chercheurs de l’Université de Georgetown ont réalisé une évaluation complète de la manière dont le changement climatique impacte la transmission de virus entre espèces animales. Et la conclusion est claire : le changement climatique deviendra dans les années à venir le plus grand facteur de risque de l’émergence de maladies, devant la déforestation, le commerce d’espèces sauvages ou l’agriculture industrielle. Les scientifiques estiment que d’ici 2070, au moins 15 000 transmissions inter-espèces devraient se produire si la planète se réchauffe de +2 °C. Or cette trajectoire est déjà optimiste puisque, selon une nouvelle étude, nous avons une chance sur deux de ne pas dépasser les 2°C de réchauffement d’ici 2100 si les engagements pris par les gouvernements du monde entier sont tenus.
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont analysé le déplacement potentiel des mammifères en fonction du changement climatique. Ces derniers vont en effet migrer à la recherche d’un habitat vivable et de nourriture dans des zones où ils ne seraient pas allés jusqu’ici. En migrant, ces mammifères transportent des maladies et croisent d’autres animaux hôtes qui peuvent eux-mêmes transmettre ces maladies à des humains, ce que les spécialistes appellent des zoonoses. “Alors que le monde change, le visage de la maladie changera aussi“, explique Gregory Albery, écologiste des maladies à l’Université de Georgetown et co-auteur de l’étude. “Ce travail fournit des preuves irréfutables que les décennies à venir seront non seulement plus chaudes mais plus malades”.
Des “hotspots” partout dans le monde
Les scientifiques ont identifié des “hotspots”, des zones particulièrement à risque qui pourraient conduire à l’émergence de zoonoses. La région du Sahel en Afrique du Nord, les hauts plateaux éthiopiens, l’est de la Chine ou encore les Philippines sont des points chauds pointés par les chercheurs. Mais certaines régions d’Europe sont également impactées. Plus la Terre se réchauffe, plus les “hotspots” se multiplient. Un processus déjà en cours avec un réchauffement aujourd’hui limité à +1,2 °C.
“Nous ne surveillons pas les hotspots et cela fait du risque pandémique le problème de tout le monde. Le changement climatique crée d’innombrables points chauds pour le risque zoonotique directement dans notre arrière-cour. Nous devons construire des systèmes de santé qui sont prêts pour cela“, avance Gregory Albery dans The Guardian. Pour les auteurs de l’étude, la solution est de coupler la surveillance des maladies de la faune avec des études en temps réel des changements environnementaux.
La chauve-souris dans le viseur
“Lorsqu’une chauve-souris brésilienne à queue libre se rend dans les Appalaches, nous devrions nous efforcer de savoir quels virus l’accompagnent”, explique Colin Carlson, Professeur de recherche adjoint au Center for Global Health Science and Security du Georgetown University Medical Center. “Essayer de repérer ces “sauts d’hôtes” en temps réel est la seule façon d’empêcher ce processus de conduire à davantage de débordements (le passage d’un virus depuis un animal sauvage vers la population humaine, NDR) et à davantage de pandémies.” L’exemple des chauves-souris n’est pas anodin puisque ces dernières, en raison “de leur rôle centrale dans l’émergence virale”, de leur capacité à voler de grandes distances, sont particulièrement redoutées.
Après deux ans de recherche, l’Institut Pasteur affirme d’ailleurs avoir trouvé des coronavirus proches du Covid-19, virus qui a déclenché une pandémie et tué plus de 6 millions de personnes dans le monde, chez la chauve-souris du Laos. L’année dernière, l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’équivalent du Giec pour la biodiversité, avait calculé que sur le 1,7 million de virus non découverts actuellement présents dans les mammifères et les oiseaux, 827 000 pourrait avoir la capacité d’infecter les êtres humains.
NVTC
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