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FERRERO, CARREFOUR : COMMENT LES ENTREPRISES SE PRÉPARENT À LA FIN DE LA DÉFORESTATION IMPORTÉE

FERRERO, CARREFOUR : COMMENT LES ENTREPRISES SE PRÉPARENT À LA FIN DE LA DÉFORESTATION IMPORTÉE

C’est une avancée de taille. L’Union européenne va désormais bannir l’importation de produits issus de la déforestation comme le cacao, le café, ou encore le caoutchouc. Les entreprises devront garantir la traçabilité de leurs produits via des données de géolocalisation des cultures. Si certaines avaient pris les devants, beaucoup ont attendu la dernière minute pour se conformer à cette nouvelle législation qui s’appliquera dès 2024.

“En quelques heures nous avons eu une explosion d’appels, avec 200 fois plus de demandes par rapport à une journée normale”, confie à Novethic Léonardo Bonanni, le PDG de Sourcemap, un important fournisseur de logiciels de cartographie et de surveillance de la chaîne d’approvisionnement. En cette fin avril, le règlement européen sur la déforestation importée vient d’être adopté par le Parlement européen. Il a depuis été définitivement adoptée par l’UE. Au sein des entreprises, c’est le branle-bas de combat. “Elles ont attendu la dernière minute”, confie l’entrepreneur.

Cette nouvelle loi, unique au niveau mondial, vise à bannir l’importation dans l’Union européenne de produits issus de la déforestation comme le cacao, le café, le soja, l’huile de palme ou encore le caoutchouc. Les parcelles concernées ne devront pas avoir fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020. Un contrôle sera effectué aux frontières de l’UE. Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, devront prouver dès 2024 la traçabilité de leurs produits via des données de géolocalisation des cultures, qui pourront être associées à des photos satellitaires. 

98% d’huile de palme vérifié zéro déforestation

C’est justement ce que propose Sourcemap, de façon assez confidentielle jusqu’à présent. “Avant 2020, nous avions seulement 5 à 6 clients, qui étaient très en avance sur le développement durable, notamment dans l’industrie du cacao et de l’huile de palme, poursuit Léonardo Bonanni. Puis la mode et le luxe nous ont rejoint pour cartographier leur approvisionnement en cuir, en coton et en viscose. Maintenant, l’automobile nous contacte pour tracer le caoutchouc et plus récemment l’électronique“, énumère-t-il.

Le logiciel a par exemple réussi à cartographier des champs de cacao en Côte d’Ivoire, dans des endroits qui n’ont ni l’électricité ni internet. “Les acteurs commerciaux sur place font le tour de l’exploitation avec leur portable et avec des capteurs satellites, nous réussissons à cartographier le site, et ainsi à vérifier régulièrement qu’il n’y a pas de déforestation grâce aux images satellites”, explique le patron de Sourcemap, qui vient de lever 20 millions de dollars pour engager une centaine de personnes.

Ferrero, longtemps accusé de contribuer à la déforestation, figure parmi ses clients. Contacté par Novethic, le groupe, qui a soutenu publiquement le projet de règlementation européenne, met en avant des progrès notables en matière de traçabilité : 98% de son approvisionnement en huile de palme était ainsi “vérifié zéro déforestation, 2% restant sous investigation”, en août 2021. Concernant le cacao, en 2021-2022, 96 % des approvisionnements étaient traçables jusqu’aux exploitations par coordonnées GPS et 89 % par cartographie polygonale – le niveau de traçabilité le plus élevé. C’est en revanche plus compliqué pour la noisette, en raison du manque de maturité du secteur et de la difficulté de récupérer les données auprès des fournisseurs.

100% de soja non issu de la déforestation en 2025

Autre acteur majeur concerné par la nouvelle législation européenne, le distributeur Carrefour. Plusieurs fois pointé du doigt pour son approvisionnement en soja brésilien, accusé de contribuer à la déforestation, le géant assure auprès de Novethic s’être engagé à évaluer 100% des importateurs clés de ses chaînes d’approvisionnement et à progressivement favoriser ceux qui réduisent les risques de déforestation pour l’ensemble des matières qu’ils commercialisent, au-delà des matières premières utilisées par Carrefour.

Concernant plus spécifiquement le soja utilisé pour l’alimentation animale, Carrefour a pris l’engagement fin 2020 d’avoir 100% de ses Filières Qualité Carrefour et produits à marque Carrefour clés utilisant uniquement du soja non issu de la déforestation d’ici à 2025. La marque en était à 19,7% en 2022 contre 2,9% en 2021. “Nous sommes confiants sur le fait d’arriver à 100% en 2025”, assure le groupe.

L’étau se resserre autour des entreprises qui n’ont pas encore pris d’engagements. Selon un rapport publié en février dernier par Global Canopy, au total, 40% des 500 entreprises considérées comme étant les plus à risque d’accélérer la déforestation au niveau mondial n’ont aucune politique dans ce domaine. Parmi elles, on trouve les Français Savencia ou encore Fleury Michon.

Accompagner les petits producteurs

“La législation va permettre d’embarquer tous les acteurs, veut croire Léonardo Bonanni. Cela va faciliter la tâche car nous allons pouvoir cartographier plus d’exploitations et entrer en contact avec plus de fournisseurs. Cela va aussi permettre de réduire les coûts”, explique-t-il. Une grande entreprise à des centaines de milliers de fournisseurs qu’elle ne connait pas forcément. Selon lui, un client de Sourcemap découvre ainsi en moyenne 20 000 fournisseurs dans les trois mois d’utilisation du logiciel qui permet une grande granularité afin de remonter loin dans la chaîne d’approvisionnement. Sur cette chaine, 5 à 15% des fournisseurs présentent des risques élevés de déforestation.

“Face à cela, nos clients vont parfois abandonner certaines régions ou fournisseurs, mais le plus souvent ils vont travailler avec les producteurs pour qu’ils modifient leurs pratiques”, assure le patron de Sourcemap. Et c’est là le principal écueil de la législation sur la déforestation importée. Le risque est ainsi de favoriser les grands producteurs qui vont racheter des parcelles déforestées avant 2020 afin de contourner la loi européenne. En revanche, les petits producteurs eux n’auront d’autres choix que de se tourner vers des parcelles vierges qu’ils devront déforester. Ils ne pourront donc plus exporter vers l’UE et passerons sous le radar.

C’est pourquoi de nombreux spécialistes appellent l’UE à veiller à ne pas laisser les petits producteurs de côté. “Pour que le règlement arrête véritablement la déforestation, il faudra des incitations pour les groupes vulnérables tels que les petits exploitants agricoles afin de les aider à adopter des pratiques sans déforestation”, rappelle Stientje van Veldhoven, vice-présidente et directrice régionale pour l’Europe du World Resources Institute.

NVTC