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Téranga Nature

Après Glasgow, pourquoi nous aurons encore besoin des COP

Après Glasgow, pourquoi nous aurons encore besoin des COP

Depuis la conférence de Copenhague en 2009, toutes les COP sur le climat ou presque ont été présentées comme celles « de la dernière chance ».

De COP en COP, ce message perd forcément en crédibilité. De fait, toutes les COP n’ont pas la même importance. De ce point de vue, la COP26 n’était peut-être pas celle de la dernière chance, mais c’était une COP avec un enjeu fort.

Cet enjeu était même double : le rehaussement de l’ambition des politiques climatiques et la finalisation des règles d’application de l’Accord de Paris – cet ensemble de règles est nommé rule book.

Sur la piste des 2,7 °C

S’agissant de l’ambition, les États étaient appelés à réviser ou actualiser, au 1er juillet 2021, leurs contributions nationales, lesquelles formalisent leurs engagements en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Plusieurs études ont montré cet automne que ces engagements étaient insuffisants. En particulier, l’analyse du secrétariat de l’Accord de Paris a montré qu’ils conduisaient à 2,7 °C d’augmentation moyenne des températures d’ici la fin du siècle.

C’est mieux que les 3 ou 3,5° qu’annonçaient les contributions initiales des États en 2015, mais c’est bien loin des objectifs posés dans l’Accord de Paris !

Or, notre budget carbone diminue chaque année et, sans infléchissement notable et rapide de nos courbes d’émission, limiter les températures nettement en dessous de 2 °C voire à 1,5 °C va devenir tout bonnement impossible. La décennie en cours est donc effectivement une décennie cruciale.

Quant au rule book, il avait pour l’essentiel été adopté lors de la COP24 à Katowice en 2018. Mais certains détails (calendrier des contributions nationales, encadrement des marchés du carbone, finalisation des mécanismes de suivi de la mise œuvre…), trop conflictuels, n’avaient pu l’être. Ils avaient été renvoyés à la COP25 à Madrid, qui les avait à son tour renvoyés à la COP26.

Il était donc temps à Glasgow de s’y atteler, pour que l’Accord de Paris soit enfin pleinement applicable, dans tous ses mécanismes et dispositions.

Pour la première fois sur la table, la fin des énergies fossiles

Les engagements des États demeurent insuffisants et leur application est plus qu’incertaine. Pourtant, la COP a marqué de réels progrès. On a assisté durant les deux semaines de la COP26 à Glasgow à la constitution de nombreuses coalitions et alliances.

Citons par exemple une Déclaration mondiale sur la transition du charbon à l’énergie propre, un Forest Deal sur la lutte contre la déforestation, une Coalition pour la fin du financement des énergies fossiles à l’étranger incluant gaz et pétrole sans dispositif de capture, un Pacte global pour le méthane, une Beyond Oil and Gas Alliance. Sans compter une ambitieuse déclaration conjointe « surprise » de la Chine et des États-Unis sur le renforcement de l’action climatique dans les années à venir.

Ces engagements politiques, pris en marge des négociations officielles, ont pu agacer parce que formant des attelages hétéroclites, ne regroupant pas forcément les principaux acteurs concernés, dénués de tout contrôle ou obligation de rendre des comptes et non articulés avec les engagements des États dans le cadre de l’Accord de Paris. « Blah blah blah » a considéré Greta Thunberg.

Pourtant, à y regarder de plus près, ces alliances ont insufflé de l’ambition.

D’une part, des États absents à l’origine les rejoignent et les alliances s’élargissent. D’autre part, la principale décision de la COP (1/CMA.3, pour première décision de la troisième réunion des Parties à l’Accord de Paris) se réfère – c’est une première – à la diminution du charbon et à l’élimination des subventions aux fossiles (« the phasedown of unabated coal power and phase-out of inefficient fossil fuel subsidies »), de même qu’à l’importance de réduire les émissions de méthane.

Certes, les formules ont été affaiblies par rapport aux propositions initiales de la présidence. Il est regrettable que l’abandon ait fait place à la réduction progressive de la production d’électricité à partir de charbon et qu’on ne s’attaque qu’aux subventions inefficaces ( !) aux combustibles fossiles.

Mais les choix énergétiques des États, jusqu’ici non négociables, font maintenant partie des discussions internationales. Il aura fallu attendre 26 COP pour cela ! Ces sujets vont rester à l’agenda des prochaines COP et on peut espérer qu’elles aillent plus loin.

Mettre fin aux dissonances cognitives

La décision de Glasgow est très claire sur l’importance de limiter l’augmentation à 1,5 °C (un objectif qui n’était qu’aspirationnel dans l’Accord de Paris) et la nécessité d’adopter des mesures rapides, profondes et durables.

Elle précise sans ambiguïté qu’il faut réduire les émissions mondiales de dioxyde de carbone de 45 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2010, en les ramenant à zéro vers le milieu du siècle, ainsi qu’en réduisant fortement les autres gaz à effet de serre. Or, c’est une hausse de 16 % qui est attendue…

Reconnaissant l’urgence, la décision lance un appel à une nouvelle révision des contributions nationales dès l’année prochaine. C’est positif, mais il ne faudra aussi que le relèvement de l’ambition se traduise effectivement par des mesures concrètes sur le terrain.

Car, si les États sont prudents, c’est qu’il leur faut ensuite concrétiser leurs engagements internationaux. Or, beaucoup d’entre eux, y compris parmi ceux du G20, qui représentent 80 % des émissions mondiales, savent qu’ils ne sont pas sur la bonne trajectoire pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés, comme l’indique un rapport du Programme des Nations unies sur l’environnement (PNUE).

Les engagements – de maintenant plus de 80 États – à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (ou 2060 pour la Chine et 2070 pour l’Inde) sont encourageants… Mais ils ne se traduisent pas concrètement comme ils le devraient par des réductions d’émission à la fois fortes et rapides à court terme.

Un rule book entièrement finalisé

La COP est enfin parvenue à finaliser le rule book de l’Accord de Paris, en prenant des décisions assez équilibrées notamment sur des calendriers communs pour les contributions nationales, le cadre de transparence ou les marchés du carbone.

Un groupe d’experts de haut niveau va aussi être mis en place pour examiner les engagements des acteurs non étatiques. De ce point de vue, plus rien ne s’oppose à la pleine mise en œuvre de l’Accord de Paris.

En revanche, les pays du Nord ont déçu les pays du Sud sur la question des financements et des pertes et préjudices causés par les changements climatiques.

Il avait été décidé à Paris qu’un nouvel objectif plancher pour les financements climatiques, au-delà de celui fixé en 2009 de 100 milliards de dollars annuels en 2020 (objectif qui devrait être atteint plutôt en 2022 ou 2023) devrait être fixé avant 2025. Les négociations sont lancées et elles promettent d’être difficiles.

La décision adoptée à Paris prévoyait aussi que :

« La fourniture de ressources financières accrues devrait viser à parvenir à un équilibre entre l’adaptation et l’atténuation. »

En pratique, l’essentiel des financements est allé jusqu’ici à l’atténuation, alors que les coûts de l’adaptation vont croissant. Les pays africains y consacreraient déjà 10 % de leur PIB. Ici, les pays du Sud ont obtenu que la décision de Glasgow appelle à un doublement des financements pour l’adaptation avant 2025.

Mais ce sera encore bien loin des besoins. À côté du relèvement de l’ambition, ces sujets épineux seront au cœur de la prochaine COP, fin 2022, en Égypte, et probablement encore des suivantes.

Faire évoluer les COP, pas les supprimer

Le processus est chaotique, les avancées sont lentes et le tableau qu’offrent les négociateurs est chaque année plus en décalage avec l’état des connaissances scientifiques et les attentes des opinions publiques et notamment des mouvements de jeunes.

Pourtant, même si on pourrait réfléchir à une évolution de leur format et de leur périodicité, nous avons encore besoin de ces conférences : pour conserver la question au plus niveau sur l’agenda international, pour continuer à pousser les États à relever l’ambition de leurs politiques et mesures, mais aussi pour suivre et mesurer les efforts accomplis et ainsi s’assurer qu’il ne s’agit pas de… bla-bla-bla.

Sandrine Maljean-Dubois

Directrice de recherche CNRS, Aix-Marseille Université (AMU

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