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Téranga Nature

Et si le « backlash écologique » en Europe était une conséquence de l’accord de Paris ?

Et si le « backlash écologique » en Europe était une conséquence de l’accord de Paris ?

C’était le grand mérite de l’accord de Paris en 2015 : transformer les déclarations d’intention diplomatiques sur le climat en engagements nationaux. Dix ans plus tard, l’ambition écologique se heurte désormais à un retour de bâton en Europe, où l’action climatique, au lieu de rassembler, polarise les débats et nourrit les divisions politiques.

La COP30 marque les dix ans de l’accord de Paris et l’heure est au bilan. En 2015, les États s’étaient engagés, lors de la COP21 à Paris, à contenir le réchauffement en dessous de 2 °C, avec l’ambition d’atteindre 1,5 °C. Dix ans plus tard, les émissions continuent d’augmenter – bien qu’à un rythme moins élevé – et l’objectif de 1,5 °C semble désormais hors de portée, révélant les limites du cadre diplomatique fixé à Paris.

L’accord de Paris, en demandant à chaque État de se fixer des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et de se donner les moyens de les atteindre, a profondément transformé les débats politiques en Europe. On assiste aujourd’hui à un « backlash » (retour de bâton) écologique. C’est-à-dire, une réaction politique généralisée en Europe contre les politiques de transition, qui en freine la mise en œuvre et en fragilise la légitimité.

Ce phénomène peut être compris comme une conséquence indirecte de Paris. En ramenant le climat au cœur des débats nationaux, l’accord a rendu plus visibles les arbitrages économiques et sociaux qu’implique la transition et les conflits qu’elle suscite. C’est précisément cette dynamique, le passage d’un enjeu longtemps consensuel à un objet de conflictualité, que j’étudie dans ma thèse, en analysant comment les partis européens adaptent leurs stratégies face aux tensions nouvelles engendrées par la mise en œuvre des politiques climatiques.

Accord de Paris et nationalisation de l’action climatique

Là où le protocole de Kyoto (1997) fixait des objectifs contraignants à un nombre limité de pays industrialisés, l’accord de Paris a marqué un tournant dans la gouvernance climatique. Il confie désormais à chaque État la responsabilité de définir puis de réviser régulièrement ses propres engagements.

Ce passage d’un système d’obligations internationales à un modèle fondé sur la responsabilité nationale a déplacé le centre de gravité de l’action climatique de l’échelle internationale au niveau national. Or, ce changement a profondément modifié la place du climat dans le débat politique. Longtemps cantonné à la scène diplomatique des négociations internationales, il est devenu, depuis l’accord de Paris, un enjeu domestique majeur.

En Europe notamment, les engagements pris à la COP21 ont ouvert un espace inédit de contestation face à l’inaction des gouvernements. En 2018 et en 2019, dont les étés ont été marqués par des vagues de chaleur exceptionnelles, les marches pour le climat ont rassemblé des centaines de milliers de personnes dénonçant le décalage entre les promesses de l’accord de Paris et les politiques mises en œuvre. Dans le même temps, les contentieux climatiques se sont multipliés, comme en France avec l’Affaire du siècle,confrontant les États à leurs responsabilités.

Sous la pression des engagements pris à Paris et des critiques de militants quant à l’inaction des pouvoirs publics, la question climatique s’est imposée dans la compétition politique, c’est-à-dire comme un enjeu central des stratégies électorales. À partir de 2018, la plupart des partis européens ont intégré le climat à leurs programmes pour gagner en crédibilité face à l’urgence climatique. Les élections européennes de 2019 l’ont bien illustré, avec une « vague verte » voyant une progression inédite des listes écologistes dans plusieurs pays.

Cette dynamique a favorisé l’adoption de nouvelles politiques publiques plus ambitieuses, européennes (comme le Pacte vert) puis nationales, visant la neutralité carbone. Au niveau national, elle s’est traduite par la multiplication des « lois Climat », parmi lesquelles la loi Climat et résilience qui, en France, fait figure d’exemple emblématique. Ces textes inscrivent dans le droit national les objectifs et les moyens censés permettre le respect des engagements pris à Paris.

Si leur ambition fait débat, ces politiques ont déjà contribué à infléchir, au moins partiellement, les trajectoires d’émissions dans plusieurs pays, comme la France. On ne peut donc les qualifier d’inefficaces.

Malo Jan

Doctorant en sciences politiques, Sciences Po